Posthume

C’est inscrit dans les esprits depuis bien longtemps : le leader de Nirvana était énigmatique et c’est ce qui faisait (et fait encore) son charme. La drogue et l’instabilité qui constituaient son quotidien ont causé sa perte. Paradoxalement, elles lui permettait de créer. Malheureux d’en arriver là dira-t-on. Je me suis répétée la même chose. Et puis j’ai oublié ses penchants après quelques accords de guitare, après avoir entendu le son de sa voix cassée et mélancolique. Après être rentrée dans son univers si fragile.

Mais pourquoi sortir un album décousu, de moindre qualité et dénué de sens ? La réponse tient dans 13 pistes. Un mélange entre essais de chants, paroles douteuses, marmonnements et recherche musicale. On rentre complétement dans l’intimité du chanteur. L’intérêt, d’après moi, réside dans la compréhension du processus créatif du musicien. Certes, les enregistrements ne sont pas de qualité, du moins pas autant que d’habitude. Ce n’est certainement pas sur ces musiques que l’on pourrait danser. Pourtant c’est un des albums les plus intéressants qu’un mélomane puisse consommer sans modération. À travers les morceaux, on ferme les yeux. Puis on s’imagine, dans la même pièce que lui.

Le portrait de Kurt Cobain façon Montage Of Heck

L’album

Lorsque je l’ai eu entre les mains, j’ai eu un drôle de sentiment. Une sensation d’avoir honte je crois. La honte de m’immiscer dans son univers, de m’approprier une partie de sa vie privée et de juger ses projets inachevés. Il est plus que probable qu’il n’aurait jamais voulu que son public prenne possession de ses essais ; encore moins qu’on en fasse un CD. Sûrement parce qu’il vivait très mal la célébrité de son vivant et qu’il y a mis un terme d’une balle dans la tête. Il n’aurait jamais accepté de dévoiler cette intimité dévastatrice qui l’accompagnait. Pourtant c’est ce qui rend cet album unique et intemporel. Pendant l’heure et demie où je l’ai entendu pester, recommencer, chanter, grattouiller les cordes de sa guitare, j’ai eu l’opportunité de le faire revivre. Comme s’il allait donner un concert devant des milliers de personnes. Comme s’il allait signer un autographe après un show. Comme si j’étais revenue 23 ans en arrière.

 » Le pire crime auquel je puisse penser serait d’escroquer les gens en faisant comme si je m’amusais à 100%. […] J’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour l’apprécier (et je l’apprécie, que Dieu m’en soit témoin, mais pas assez). J’apprécie que le fait que je, que nous avons marqué et diverti beaucoup de gens. Mais je dois être le genre de narcissique qui ne peut apprécier les choses que lorsqu’elles disparaissent  » – Kurt Cobain.

De l’au-delà, Kurt apprécie peut-être enfin cette « chose » que le narcissisme l’empêchait de voir. Tout ce qu’il a créé, produit, chanté et joué, et tout ce qu’il laissé derrière lui n’ont jamais disparu. Finalement il n’aura mis fin qu’à sa vie, pas à sa musique.

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